Description
Le théâtre de Romeo Castellucci fascine. Ses représentations radicales ont plus à voir avec un rituel ancien qu’avec la mise en scène classique d’un texte. C’est que l’artiste formé aux Beaux-arts de Bologne est avant tout un homme de vision. Le texte de Tocqueville sur la naissance de la démocratie en Amérique l’a visiblement inspiré. L’auteur français avait pressenti les dérives du système en osant dire le danger d’une démocratie basée sur l’individu via la tyrannie de la majorité. On peut être troublé par la coïncidence du projet de Romeo Castellucci avec les dernières élections présidentielles américaines, mais n’attendez ni une illustration du texte ni un spectacle politique. Plutôt qu’un commentaire sur l’Amérique d’aujourd’hui, ce spectacle est avant tout une expérience, une énigme qu’il faut se garder de résoudre : « ceux qui le font vivent dans le malheur comme Œdipe ». Le dramaturge italien est un sphinx qui dessine des tableaux d’une force éblouissante. Aussi derrière l’histoire d’un couple de paysans puritains parti coloniser l’Amérique, derrière les danses folkloriques venues d’un autre temps et les étranges machines qui zèbrent le ciel, on ne peut s’empêcher de penser au rapport que ce pays entretient avec le vide et la vastitude de ses déserts.