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Arts Plastiques Art contemporain - Exposition

Le jour des esprits est notre nuit

Le jour des esprits est notre nuit
Date Du 13/06/2019 au 15/09/2019
Tarifs
Description
Alors que j’étais encore enfant, une femme souffrant de cette maladie effroyable dans l’Aeschenvorstadt ici à Bâle, dans la maison appelée Zum Rupf, non loin de la maison de mon père, a été emmenée par des valets de ville. Le Magistrat, comme je l’ai indiqué dans mon livre intitulé Praxis, lui a député quelques hommes robustes, qui dansaient avec elle nuit et jour à tour de rôle—l’un prenant le relais quand l’autre était fatigué—ce qui a duré presque un mois, devant de nombreux témoins, presque sans interruption, bien que la peau de la plante de ses pieds ait été tout usée. Et quoique de temps en temps elle ait été forcée de s’asseoir pour se nourrir, ou prise de sommeil, cependant son corps était remué par des mouvements et des gestes brusques, elle agitait encore en même temps son corps comme si elle dansait—jusqu’au moment où, totalement épuisée, au point qu’elle ne pouvait plus se tenir debout plus longtemps, elle fut obligée de cesser de danser.
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Robinson pensait que les concepteurs d’artefacts
auraient dû chercher à imiter
la morphogenèse des formes de vie.
Il a poursuivi cela
et d’autres questions similaires
dans les rencontres avec les fleurs.
Il était enclin à la biophilie,
à l’amour de la vie et des systèmes vivants,
ayant découvert la vision de Lynn Margulis
selon laquelle les relations symbiotiques
entre organismes, souvent de différents ordres,
sont une force primordiale de l’évolution.
Il a été inspiré par son soutien
aux botanistes russes, qui avaient formulé
cette théorie dans les années 1920,
et par sa dénonciation du néo-darwinisme
et de toutes les interprétations
«capitalistes, compétitives et rentables»
de Darwin.
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La vie à Fond-Zombi se déroulait portes et fenêtres ouvertes, la nuit avait des yeux, le vent de longues oreilles, et nul jamais ne se rassasiait d’autrui. À peine arrivée au village, je savais qui hache et qui est haché, qui garde son port d’âme et qui se noie, qui braconne dans les eaux du frère, de l’ami, et qui souffre et qui meurt. Mais plus j’en apprenais, plus il me semblait que l’essentiel échappait à mon attention, glissait entre mes doigts comme une anguille à l’instant de la saisir…
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La vie de tous les êtres dans l’univers n’est qu’une: elle consiste dans le mouvement de la matière la plus déliée. La mort est le repos, ou la cessation du mouvement.
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Lorsque, durant le jour, nos yeux sont morts avec la yãkoana pour faire danser les esprits, la nuit nous nous assoupissons en état de spectre. Nous sommeillons un peu et, sans tarder, les xapiri commencent à descendre vers nous. Nous n’avons pas besoin de boire à nouveau la yãkoana. Leurs clameurs retentissent soudain comme les appels d’une bande de perroquets dans les arbres. Nos yeux ne tardent alors pas à apercevoir le scintillement de leur multitude de chemins. Puis on commence à leur répondre et, aussitôt, le rêve arrive à nous. Notre peau reste étendue dans son hamac mais notre image et notre souffle de vie s’envolent avec les esprits. La forêt s’éloigne à grande vitesse. On ne voit bientôt plus ses arbres et on se sent flotter au-dessus d’un grand vide. Nous volons alors en rêve sur leurs chemins lumineux d’où nous voyons les choses du ciel, de la forêt et des eaux que les anciens ont pu contempler avant nous. C’est notre manière d’apprendre. Nous partons ainsi vraiment très loin de notre maison et de notre terre, bien que, pour les xapiri, les distances ne soient rien. C’est ainsi. Le jour des esprits est notre nuit, c’est pourquoi ils s’emparent de notre image à notre insu, durant notre sommeil.
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On est concurrent, mon pareil
On dort dans les mêmes rêves.
Pendant mes insomnies,
Je vois tes avanies déambuler par la fenêtre.
Et sans te toucher, dans ton corps,
Je ressens tous les fourmillements,
Tous tes retournements internes,
Tous tes dégoûts tous tes égouts.
Où t’es-tu perdu, mon pareil
En quel coin de la planisphère…
Je n’ai pas de doute, mon miroir
Me renseignera sur ton vouloir
D’encore divaguer sur cette terre.
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La mort est la première et la dernière définition de la vie.
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Les textes que vous venez de lire sont extraits de quelques-unes des nombreuses sources et voix qui ont alimenté la préparation de l’exposition Le jour des esprits est notre nuit. Notamment, Patrick Keiller, Robinson in Ruins, 2010, 101 min; Simone Schwarz-Bart, Pluie et vent sur Télumée Miracle, Éditions du Seuil, Paris, 1972; Felix Platter, Observationum, in hominis affectibus plerisque…, liber primus, Ludwig König, Bâle, 1614; Franz Anton Mesmer, Mémoire de F. A. Mesmer, Docteur en médecine, sur ses découvertes, Fuchs, Paris, 1799; Davi Kopenawa & Bruce Albert, La chute du ciel. Paroles d’un chaman yanomami, coll. Terre Humaine, Plon, Paris, 2010; Monique Mbeka Phoba, Yemadja, Éditions Mabiki, Bruxelles, 2009; Maya Deren, Divine Horsemen: The Living Gods of Haiti, McPherson, Londres, 1953.

L’exposition Le jour des esprits est notre nuit fait partie de l’opération Plein Soleil, l’été des centres d’art contemporain. L’exposition est réalisée en partenariat avec l’IEAC, Institut Européen des Arts Céramiques à Guebwiller.

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